Les maladies psychiques ne sont toujours pas prises au sérieux

Interview avec Ursula Zybach, Santé publique Suisse.

La santé n’est pas seulement une aspiration individuelle. Elle comporte aussi un aspect sociétal. Santé publique Suisse crée un réseau composé d’organisations qui s’investissent dans ce domaine. Un manifeste préconise désormais d’intégrer sciemment la dimension psychique : en effet, il en va toujours du corps, de l’âme et de l’esprit. Carelink soutient ce manifeste. Ursula Zybach, directrice générale de Santé publique Suisse, met en lumière le contexte.

Madame Zybach, l’organisation faîtière Santé publique Suisse s’investit depuis 42 ans déjà dans ce domaine; or, elle est peu connue du grand public. Pourquoi?

Ursula Zybach: Les professionnels et les structures faîtières connaissent très bien l’organisation, qui constitue un réseau intersectoriel, interdisciplinaire et à vocation nationale de personnes œuvrant dans la santé publique. Aujourd’hui, Santé publique Suisse compte 656 membres individuels, 97 membres collectifs et 19 membres donateurs.

 

Pouvez-vous nommer des mesures concrètes que Santé publique Suisse a prises pour promouvoir la santé publique? En d’autres termes: quel bénéfice la population peut-elle tirer de votre organisation?

Ursula Zybach: Chaque année, nous proposons une conférence spécialisée de deux jours couvrant un sujet d’actualité. En 2012 et en 2013, nous les avons consacrées aux maladies chroniques. En 2011, à la réorganisation des systèmes de santé. Ces rencontres permettent à des professionnels de se pencher sur de nouveaux thèmes, d’échanger leurs nouvelles connaissances et leur expérience professionnelle. Nos cinq groupes spécialisés (nutrition, épidémiologie, promotion de la santé, santé mentale, global health) constituent autant de plates-formes pour des spécialistes du même domaine: ils élaborent des documents de travail et des positions tout en échangeant leur expérience. Nous nous investissons également au niveau politique et prenons position dans d’importants projets. L’an passé, par exemple, nous avons mené la campagne en faveur de la loi fédérale sur les épidémies, qui a été plébiscitée par 60 % des voix lors de la votation populaire.

 

Cette année, vous avez présenté le Manifeste suisse relatif à Public Mental Health lors de la «Swiss Public Health Conference». Il demande notamment une meilleure prise en compte de la dimension psychique dans la santé, c.-à-d. une approche intégrale, sur le plan à la fois individuel et sociétal. Quels sont, plus concrètement, les objectifs de ce manifeste?

Ursula Zybach: Le manifeste est destiné à augmenter l’attention des professionnels, des décideurs et des milieux politiques pour la santé psychique. De plus, il vise à renforcer les ressources individuelles et à influencer les conditions de vie en faveur de la santé psychique. Le document propose des mesures pour différents domaines: sensibilisation, promotion de la santé, prévention, traitement et soutien des personnes concernées, (ré)intégration et entraide. Et ils sont nombreux à se rallier au manifeste: environ 90 organisations nationales, cantonales, privées de la santé, de la formation de la politique sanitaire. Elles vont de la Société scientifique des soins en psychiatrie à Carelink en passant par La Main tendue et le département Santé de l’Université des sciences appliquées de Zurich.

 

Est-ce que, en Suisse, nous accordons vraiment trop peu d’importance à la santé psychique?

Ursula Zybach: En Suisse, le sujet de la santé psychique reste encore relégué au second plan. Les affections correspondantes sont souvent banalisées ou pas prises au sérieux. Selon les estimations, une personne sur deux dans notre pays est atteinte d’un trouble psychique une fois au moins dans sa vie. Il peut s’agir de troubles dépressifs passagers, de l’ordre de quelques jours, d’un suicide, d’un épisode unique de crise de panique ou encore, d’une perte de la capacité de travail. On estime que les troubles et les maladies psychiques provoquent des coûts économiques de onze milliards de francs par an, tendance à la hausse. Malgré ce constat, la société et la politique n’accordent toujours pas la même attention à ces affections qu’à d’autres maladies, et certaines personnes atteintes sont discriminées.

 

Dans son introduction, le manifeste s’adresse aux professionnels «travaillant dans les domaines de la promotion de la santé, de la prévention, du traitement et de l’intégration, respectivement de la réintégration, ainsi qu’aux décideurs publics et privés». Comment réagissent-ils à ces propos?

Ursula Zybach: Le manifeste est le fruit d’un vaste processus participatif. Le résultat est que, en amont de la conférence, de nombreux collaborateurs d’organisations très différentes ont réfléchi au sujet de la santé psychique et consolidé leur réseau par la même occasion. Ces derniers mois, nous avons été contactés à maintes reprises et avons constaté avec plaisir que tant d’organisations souhaitent nous soutenir. Cela signifie en même temps qu’un cercle plus large encore de professionnels de la santé planche sur la question. D’autres intéressés peuvent également soutenir le manifeste,  dont la version électronique est régulièrement mise à jour.

 

Comment l’Office fédéral de la santé publique perçoit-il le «Manifeste suisse relatif à Public Mental Health»?

Ursula Zybach: Lors de notre conférence, Stefan Spycher a participé à la table ronde en tant que représentant de l’OFSP. Il trouvait que le manifeste est un peu trop sage. C’est pourquoi nous formulerons des exigences encore plus concises et audacieuses et les feront parvenir à l’office.

 

Carelink souscrit au manifeste, que vous trouverez dans l’annexe. De plus, elle soutient le Réseau santé psychique Suisse, dont la conférence de réseautage s’est tenue en même temps que la Swiss Public Health Conference, lorsque le manifeste a été lancé.

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