Aider et se faire aider
Personne n’est «invulnérable».
Près d’un caregiver sur dix risque un trouble psychique après avoir encadré des personnes affectées par un événement traumatisant. Comment réduire ce danger ? Regula Lanz, responsable formation chez Carelink, apporte des réponses.
Une étude de l’office allemand de la protection de la population et de l’aide en cas de catastrophe montre que 2,3 % des volontaires subissent eux-mêmes un trouble de stress post-traumatique (PTBS). Un nombre trois fois plus élevé que la moyenne de la population. Ces intervenants sont encore bien plus nombreux, à savoir, 8,2 %, à développer des affections induites par le stress: burnout, troubles anxieux ou psychosomatiques et dépressions.
Quand on présume de ses forces
De nos jours, on ne connaît que trop bien les risques de traumatismes secondaires dans les professions de l’assistance psychosociale. Mais on attend tout naturellement des services sanitaires et de sauvetage, des pompiers, des psychologues d’urgence et des careteams qu’ils sachent mieux gérer que tous les autres les événements extraordinaires et les différentes formes de stress. Ces personnes, qu’elles interviennent à titre professionnel ou volontaire, présentent effectivement une très grande stabilité et santé psychique. Or, ce sont justement les plus solides qui, souvent, ont tendance à surestimer leurs capacités et leurs aptitudes; en d’autres termes, à se croire «invulnérables». Cet état d’esprit peut amener les intervenants à ignorer les symptômes qui se déclarent et à refuser, pour eux-mêmes, les possibilités de soutien qu’ils apportent aux autres.
L’organisation est aussi responsable des intervenants
Les corps d’intervention comme les services de sauvetage, la police, les pompiers et les organisations d’assistance détiennent une part de responsabilité significative lorsqu’il s’agit de préserver la santé de leurs collaborateurs et de leurs volontaires. Ils exercent une influence indéniable sur la manière de gérer les défis et les risques liés à leurs activités. Un soutien vraiment complet se doit d’être préventif, à commencer par le recrutement. La personnalité recherchée se distingue par sa résilience marquée, cette capacité très développée de gérer les situations stressantes, voire traumatisantes. Autres conditions sine qua non: la personne doit être capable de s’évaluer de manière réaliste et posséder une bonne capacité de réflexion.
Donner une image réaliste
Par ailleurs, la formation de base et le perfectionnement jouent aussi un rôle éminent, car il importe de donner une image réaliste des tâches, des opportunités et des risques. Il ne s’agit pas seulement de transmettre des connaissances techniques et de s’exercer aux gestes concrets, mais aussi de se pencher sur son hygiène psychologique. Dans ce volet, l’accent est fortement placé sur l’autorégulation, la responsabilité individuelle, la mise en place de stratégies constructives pour gérer le stress. L’équilibre psychique passe par une réflexion continuelle et détachée de tout incident concret sur le stress, sa gestion et l’activation de ressources. Il est essentiel de reconnaître tout naturellement ses besoins et de savoir ce qui fait du bien. En effet, ces connaissances sont importantes pour pouvoir rapidement se régénérer et renouer avec la «normalité» après une intervention. L’équilibre intérieur s’en trouve encore renforcé lorsqu’on a accès à un soutien psychologique au sein de l’organisation et, aussi, dans son entourage privé.
Les structures procurent un sentiment de sécurité
Une organisation qui encourage la reconnaissance sociale et l’estime réciproque, sans oublier une prise d’humour dans les interactions, contribue à un climat de travail positif et ainsi, à l’hygiène psychologique de chacun. En émettant des instructions claires sur l’organisation de l’intervention, la composition des équipes, le flux d’informations, la durée de la mission et le suivi institutionnel, on pose en outre, un cadre qui apporte structure et sécurité avant, pendant et après l’intervention. Ainsi, la préparation psychosociale, l’encadrement pendant la mission et le suivi sont tout naturellement ancrés dans l’organisation et font donc partie intégrante de l’intervention. Dans ce contexte, le recours à des pairs, c.-à-d. des collègues spécialement formés qui serviront d’interlocuteurs, a largement fait ses preuves. Ce cadre structurel contribue à l’acceptation d’un encadrement psychosocial et de prestations de psychologie d’urgence et, en cas de besoin, réduit les réticences des intervenants à demander de l’aide à leur tour.
Conclusion
De par leur activité, les intervenants courent le risque de souffrir à leur tour d’une maladie psychique. Et personne n’est à l’abri. Mais, lorsque les conditions personnelles et organisationnelles sont remplies, les intervenants et les volontaires sont vraiment à même de répondre aux défis liés à leurs activités et de retrouver leur équilibre psychique. Lorsqu’on y parvient, l’activité d’intervenant, professionnel ou volontaire, peut tout à fait être vécue comme une mission sensée et satisfaisante.
Sources :- L’office allemand de la protection de la population et de l’aide en cas de catastrophe (Bundesamt für Bevölkerungsschutz und Katastrophenhilfe: « Prävention im Einsatzwesen »; Krüsmann, Karl, Schmelzer & Butollo, 2006- Hausmann: Handbuch Notfallpsychologie und Traumabewältigung